Allo maman, Bo-Bo
Ça va bientôt faire trois ans que j'habite à deux pas du marché d'Aligre et pourtant, jusqu'à ce midi, je n'y avais jamais foutu les pieds. Bon, c'est vrai, il m'est déjà arrivé d'aller boire une bière ou un café dans un des bistrots de la place, et même dans mes bons jours, boire un verre de pinard au Baron Rouge, mais le marché, jamais. Faut dire qu'en parfait célibataire convaincu, je suis plutôt du genre à m'alimenter. Je veux dire par là que je ne cuisine quasiment jamais, privilégiant les plats préparés, les pâtes ou tous les trucs qui ne nécessitent qu'une simple préparation, pas ou peu de vaisselle et surtout, le moins d'emmerdement possible. Alors, le marché et ses légumes primeurs, ses fruits, viandes et autres victuailles, c'est pas vraiment pour moi. Et puis, surtout, le dimanche matin, je bulle, alors, me préparer pour aller faire des courses, oubliez moi !
Mais ce matin, j'ai été pris d'une farouche envie de figues, envie assortie au besoin impérieux de quitter mon pieu, occupé par une demoiselle avec qui je ne voulais pas faire la grasse mat. Alors, j'ai osé la proposition de : "si on allait au marché, on pourra bruncher". Le brunch est l'occupation Bobo par excellence. Le nombre de petits couples trentenaires occupés à dévorer leurs oeufs brouillés avec une orange pressée et des pommes sardalaises est impressionnant, et la concentration de ces dits-couples aux abords de la place d'Aligre frise l'impudence. Aucune table libre évidemment, (presque heureusement), nous permit de prendre un café au zinc d'un bistrot bondé et d'expédier un croissant à la va-vite. Ainsi, j'étais débarrassé de ma compagne, la guidant subrepticement vers le métro. "Oh, Ledru Rollin, c'est cool, t'es directe !" oui, je sais, je suis un goujat. Ceci dit, faut pas me faire chier le dimanche matin. Enfin seul, j'arpentais le marché à la recherche de mes figues, et, sincèrement, je ne vois pas le plaisir qu'on peut retirer à faire la queue, serrés comme dans un métro aux heures de pointe, pour 500 grammes de figues écrasées, limite sèches et fades. Les commerçants sont speeds, et du coup assez antipathiques. Bref, on ne m'y reprendra plus. Faut-il préciser qu'à 12h30, il est strictement impossible de trouver libération dans un périmètre de 800m. Effectivement, quand ils ne bouffent pas leurs omelettes, les bobos lisent libé aux terrasses, pendant que leur copine, à qui ils ne jettent pas le moindre regard, téléphonent ou s'emmerdent en se demandant qui de l'oeuf ou de la poule est responsable de cette omelette trop baveuse. Je n'invente rien.
Archétype de la chanson Bobo (mais pourtant une tuerie), l'anti-folk de :
Herman Düne : Sunny sunny cold cold day