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please kill me
8 février 2007

Through the silk

DLc

J'ai mis beaucoup de temps à aimer David Lynch. Tous mes potes s'extasiaient devant Eraserhead, je baillais devant ce que je considérais comme une prétention arty, certes d'avant-garde et novatrice mais terriblement ennuyeuse. Emu ensuite par la beauté malade et mélodramatique d'Elephant Man, je n'y voyais malgré tout qu'un gros film à thèse, morceau de bravoure pour comédien talentueux mais guère plus. L'hideuse boursoufflure de Dune me confortait dans l'idée que Lynch, décidément non, j'étais pas fan. Vint ensuite Blue Velvet, et là, j'avoue, à l'époque, bien que séduit par le film, je n'osais démordre de mon avis sur son réalisateur et y collais avec la plus grande malhonnêteté intellectuelle, des intentions ridicules. Argumentant avec mauvaise foi, "ce type n'est pas sympathique, le monde qu'il décrit est une vision terriblement réactionnaire, sous le vernis de la société se tapi la plus grande pourriture... Etc..." Pauvre argumentation que je tenais... Je préférais bouder mon plaisir plutôt que me contredire. Je suis alors passé à côté d'un grand film à ce moment là. Ensuite, ce fut le tour de Sailor et Lula que dans le même élan, je trouvais terriblement hystérique, faussement branché, poseur, avec une volonté de se rendre culte qui me hérissait. Twin Peak fire walk with me, me plut déjà beaucoup plus. Je n'avais pas vu la série au moment de la sortie du film et découvrais cet univers avec une totale virginité. Là, un univers mental personnel et passionnant commençait à m'apparaitre. Je récupérais alors la série tv en cassettes (en VF) et je dévorais les deux saisons en moins d'une semaine. Après cette découverte, j'ai eu envie de revoir tous les Lynch, à l'aune de cette série, je me suis rendu compte que ce qui ne me plaisait pas au départ chez lui, était justement ce qu'il avait de plus génial. Sa vision du monde, de ces espaces parallèles inquiétants et sombres, je la refoulais, je refusais d'y croire, préférant ne pas le voir tant ces mondes me terrorisaient, jusqu'à ce que j'accepte leurs existences, que je laisse les fantomes et les ombres venir à moi, que Bob m'emmène avec lui...
Les films suivants confirmèrent définitivement cette adhésion totale, surtout parce que là, le grand David avait acquis une maitrise absolue de son art de la mise en scène. Lost Highway me laissa pantois, les émotions que sa vision me procurèrent étaient pour la première fois des émotions totalement cinématographiques. Avec ce film, Lynch prenait 20 ans d'avance sur l'ensemble de la production, laissant les autres loin derrière lui, à la traine. Il ne nous restait plus qu'à ramer pour pouvoir espérer le rejoindre. Il explosait la narration, triturait les codes classiques mais sans maniérisme trouvait une forme inédite et pourtant familière, créant, avec une économie sidérante d'effets, des séquences d'une puissance évocatrice ou d'une terrifiante étrangeté. Il n'y avait personne avant lui pour élaborer avec une telle précision des atmosphères que seul le cinéma peut offrir à ressentir. Une histoire vraie et son classicisme linéaire, venant tout juste derrière le ruban de Moebius de Lost Highway prouvait avec brio, qu'en plus d'être un parfait styliste, David Lynch était toujours là où on ne l'attendait pas, remettant en cause, à chaque film tout son système élaboré au fil du temps et des films. Mulholland Drive, revient balayer tout ce qu'on attend de lui et parvenait dans un savant mélange d'une précision folle, à réunir à la fois ses obsessions d'artiste, le cinéma classique hollywoodien et une forme de recherche extrêmement novatrice. La narration, la façon même de raconter l'histoire, de la filmer tient miraculeusement sur un fil d'équilibriste, posant autant de questions aux spectateurs que de réponses et pistes cinématographiques que le film contient et propose. La stimulation tant sensitive qu'intellectuelle est toujours vive, à chaque vision du film. Alors que nous propose donc Inland Empire ? Finalement, rien de moins qu'une continuation radicalisée des procédés expérimentés depuis Lost Highway. Cet empire intérieur m'apparait comme un digest de la filmographie lynchienne, un petit précis idéal mais décevant. Décevant tant par sa forme que par son fond. On pourra gloser tant qu'on voudra sur l'avant-gardisme de l'auteur dans son utilisation low-fi de la DV et sa maitrise toute professionnelle de ce support amateur. Certes, c'est plutôt bien filmé, mais il y a ici des travers inhérents au format lui-même, les très gros plans, saturés, crapouilleux, déformés par les optiques des visages, au lieu de créer une émotion, n'apparaissent finalement que dans leur plus basique laideur. Bien sûr, ces plans sont mineurs au regard de la multitude d'image d'une saisissante beauté, mais quand bien même, ils viennent tels des furoncles dans un ensemble quand même moins beau esthétiquement qu'à l'accoutumée. Tous les thèmes de Lynch sont bien entendu présents ici, encore plus triturés, enfouis, invisibilisés, voire empilés les uns sur les autres, et je devrais, en bon fan, y trouver mon compte, mais il y a quelque chose qui ne prend pas, qui ne marche pas. Le rythme, peut être, l'image aussi, mais surtout le déficit d'émotion. Comme si Lynch était trop conscient de son savoir faire, comme si simplement sa façon de faire dorénavant, grâce à ses précédents films, suffisaient à elle-même. Aussi, ne demeure qu'un sentiment de profonde déception face à une expérience cinématographique de spectateur totalement privé de sensorialité. L'expérience alors, le spectacle, devient ennuyeux, répétitif, là où au contraire il devrait être stimulant. Ce qui excitait, la quête du sens, le caractère ludique dans lequel il nous plongeait auparavant est désormais volontairement ôté. Pourquoi pas si cela avait laissé place à un parcours émotionnel. Il y a bien sûr de très belles séquences, impressionnantes même terrifiante (bien moins qu'avant), l'indéniable savoir faire, à l'économie et la précision, du réalisateur est encore bien présente, mais c'est comme s'il s'auto-parodiait. On sent qu'il tente une forme nouvelle, et pour cela, qu'il en soit encore maintes fois salué, mais cette recherche formelle n'aboutit pas, elle nous laisse en dehors, loin. Ce qui est finalement assez malin, car une analyse critique n'est donc plus possible. La complexification volontaire, l'empilement, le mélange de toutes les strates narratives dévient immanquablement vers une recherche du sens, une explication, et translate le regard porté sur l'objet film du champ critique stimulant vers la pauvreté de l'analyse explicative, le protégeant sans doute des critiques réelles (ce dont il se fout sans doute à juste titre). Ainsi, on cherche plus à comprendre, à donner les clés du récit (ce que fait très bien Stéphane Delorme dans les Cahiers du cinéma n°620) mais plus aucune réflexion sur la matière même de la cinématographie, plus d'analyse des émotions purement créées par le cinéma comme pour les précédents films. Du coup, on convoque l'art contemporain, l'installation des musées pour prouver que Lynch est un artiste. Il l'est, on le savait déjà, et ses oeuvres, pas seulement cinématographiques sont dignes d'intérêt, picturalement, son travail conserve toute la richesse qu'on lui confère, mais, il peut rater un film non ?

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Commentaires
P
L'humour n'est pas ma caractéristique principale, en effet Limbo, je l'utilise plus que je n'en ai, et le comprend ou feint de l'ignorer quand ça m'arrange. N'empêche que mes conseils sont à prendre au sérieux, qui te dit que j'ai un blog?
L
Pimpeleu> Votre premier degré m'étonne...<br /> Je vérifierais bien ça si vous donniez l'adresse de votre blog.
P
Ahah, elle est bien bonne celle-là. Tu n'as pas besoin de moi, la preuve. D'ailleurs y a t-il des bonhommes qui trainent sur ce blog? Bizarre hein, mais ça m'étonnerait. <br /> Enfin, je suis peut-être bien placée pour t'aider du coup. Alors voilà deux petites astuces, gratos, t'en fais ce que tu veux: <br /> - règle n°1: écrire ferme, voire fougueux mais clair. Le vague amoindrit la force du discours. <br /> - règle n°2: Ne jamais présumer. Ja-mais. De visu déjà ça peut-être fatal, mais les mots tous seuls, faut s'en méfier.
L
Pimpeleu> Identification à Lynch, bordel, à la limite volontiers, c'est rare, mais il est peut-être la seule personne pour qui j'aimerai bien être dans la tête 24 heures, juste pour voir ce que ça fait.<br /> Sinon, si vous avez une recette pour attirer les filles, allez, soyez cool, faites passer !
P
Ah bé justement, si un blog sert pas à s'y croire à mort quand on écrit alors c'est vraiment rien d'autre qu'un appeau à filles. <br /> Mes excuses donc, j'avais pas vu que tu t'identifiais à ton maître.
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